Deux statues vivantes entourées par des spectateurs à Ouanaminthe (Archives)| © Jéthro-Claudel Pierre Jeanty / Nord-Est Info |
Considérés dans le passé comme de viles personnes et
de vulgaires magiciens, actuellement les membres du trio Bleu et Rouge
Production, Soleil Nègre et l’Association des Danseurs de Ouanaminthe surnommée
Layitedans, dans le domaine des arts et de la culture, font la fierté de
Ouanaminthe, commune frontalière du Nord-Est.
Le
2 novembre 2018, Léonard Jean, fondateur et metteur en scène de la troupe de
théâtre Soleil Nègre et Berthony Jean Richelieu Lanot, président et chorégraphe
de Layitedans se présentent au Collège Saint François Xavier de Ouanaminthe
pour former une trentaine d'élèves sur la présentation sur scène.
Dans
une salle spacieuse et aérée, les élèves, attentifs, s’entrainent pour pouvoir
capter l'attention des spectateurs, lors de leur prochaine prestation.
« Avec
tes expressions corporelles et tes mots, tu dois t’assurer que ton message et
tes émotions sont transmis aux spectateurs », lance Léonard Jean à une élève
qui trébuche dans une scène.
« Actuellement,
la jeunesse haïtienne s’adonne à des activités malsaines. Mais, cette troupe
vise à orienter les jeunes vers la distraction saine », a fait savoir le
professeur Fredelin Israël, responsable de la troupe des élèves pour expliquer
l’importance de la séance de formation.
Après
une heure d’exercice, les deux formateurs nous rejoignent sur la cour de
l’école pour répondre à nos questions. Leur engagement et leur contribution au
moyen des arts et de la culture pour aider la population à réfléchir sur son
histoire, son présent et son futur sont, entre autres, des sujets sur lesquels
ils parlent à cœur joie.
L’union fait la force, pas
que des mots
« J’ai
fondé Soleil Nègre en 2001 parce que j’avais constaté que le théâtre était mort
à Ouanaminthe », a déclaré, Jean Léonard.
« Nous
travaillons pour promouvoir la culture haïtienne et pour sensibiliser le peuple
sur notre état de dépravation », a-t-il poursuivi.
Pour
intervenir avec plus d’efficacité dans diverses branches des arts et de la
culture, deux membres de la troupe ont créé deux autres structures.
En
2003, Berthony Jean Richelieu Lanot, spécialiste en art scénique fonde le club
de danse "Vibration Club Dancing", qui est rebaptisé Association des
Danseurs de Ouanaminthe en 2008 quand les membres se sont intéressés aussi au
théâtre. En 2008, Edris Fortuné, cinéaste et peintre fonde Bleu et Rouge
Production qui se spécialise dans la peinture et l’audiovisuel.
Ces trois entités organisent toujours ensemble toutes
leurs activités. Une stratégie qui permet de surmonter beaucoup de difficultés.
« A part de faibles et de rares supports
financiers, c’est grâce à notre solidarité que nous arrivons à couvrir les
dépenses de nos activités », explique le président de Layitedans.
Les grands rendez-vous
Plusieurs
fois par année, le trio donne rendez-vous à plus de 106 mille habitants de
Ouanaminthe pour apprécier gratuitement la beauté des arts et de la culture.
Artistes, peintres et acteurs venus de la capitale Port-au-Prince et de la
République Dominicaine participent souvent à ces activités.
Expositions
de tableaux et de photos, montages de textes, danses contemporaines,
conférences-débats, théâtres des rues, statues vivantes et promotion de la
lecture sont les principales activités que réalisent ces trois structures de
jeunes.
« Dans
nos activités, nous sensibilisons la population sur des sujets d'ordre
politique, social, économique, environnemental et religieux. Elles servent
aussi à rappeler les habitudes et les coutumes haïtiennes », explique Léonard
Jean.
Le 18 mai 2012, Layitedans a initié
l’évènement "Ayisyen jouk nan zo", dont quatre éditions sont déjà
réalisées. L’évènement a deux points de rendez-vous : la place Notre-Dame de
l’Assomption dans la matinée et un auditorium du centre-ville dans la soirée.
« Cet
évènement est une occasion pour
nous (organisateurs et participants) de vénérer notre racine africaine,
de nous faire valoir comme Caraïbéens et de recréer des phases de notre
histoire comme Haïtiens », détaille Berthony Jean Richelieu Lanot.
De
11 au 15 août, à l’occasion de la fête patronale de Ouanaminthe, c’est
l’évènement "Culture pour tous" initié par Bleu et Rouge Production
qui fait déplacer jeunes, intellectuels et curieux.
Débuté
en 2012, il est à sa 5ème édition. Pour cette année 2018, le rendez-vous était
à la rue Papa Jacques, en face du Centre Culturel Layite (local de Layitedans
qui est aussi le siège des deux autres structures).
« Nous
sommes dans une logique de démocratisation des arts et de la culture pour
amener les habitants à réfléchir par eux-mêmes et sur eux-mêmes », avance
Edris Fortuné.
«
En tant qu’avant-gardistes, nous faisons un plaidoyer pour faire comprendre aux
habitants qu'un pays ne peut pas évoluer sans mettre accent sur les arts et la
culture », ajoute-t-il, sur la vision de l'activité.
«
Face au rejet des éléments constitutifs de son identité, le peuple haïtien ne
se connaît pas vraiment », s'inquiète Léonard Jean, pour sa part.
Rayonnement du trio
« Au
départ, certains nous prenaient pour des fous, d'autres pour de vulgaires
magiciens pour avoir fait du théâtre des rues et utilisé des lampes bobèches,
chandelles... », rappelle Léonard Jean sur un ton ironique.
« Mais,
au fur et à mesure les gens commencent à comprendre notre appel pour sortir
dans la misère, cesser d'accepter les injustices et demander des comptes aux
dirigeants », poursuit monsieur Jean avec énergie et un sentiment de
satisfaction.
«
Les invitations pour participer à des évènements artistiques et culturels à
travers le pays, cela est la preuve que notre travail a un impact positif »,
estime Berthony Jean Richelieu Lanot.
« En
2010 et 2011, Layitedans a remporté respectivement la 3ème et la 2ème place de
la catégorie Folklore du concours Danza Joven organisé dans le cadre de la
foire internationale du livre de la République Dominicaine »,
s’enorgueillit le pionnier de statues vivantes en Haïti.
Face à l'avenir
« Notre
culture est si riche qu’elle peut devenir le pilier du développement du
pays », souligne Léonard Jean.
Pour
cela, l’Etat doit définir une politique culturelle et encadrer les acteurs du
secteur.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire