Illustration d'un chien, à table, prenant son dîner |
Dans ma quête de la vertu, mes multiples professeurs m'ont enseigné à traiter toute personne avec la même bienveillance ainsi qu'avec la même rigueur. Du chef d'Etat, à la sentinelle qui garde ses pairs. Un enseignement que m'attelle de jour en jour à appliquer.
Par contre, je continue de constater
avec regret comment la société haïtienne est une société de deux poids, deux
mesures. Une société truffée d’hypocrites et de farceurs. En Haïti, les propos
et les actes de quelqu'un sont jugés à l'aune de son statut.
Depuis la semaine dernière,
l'actualité est dominée par le spectacle du jeune chanteur Wens Désir Jonathan
alias Mechans-T qui a descendu en public le pantalon d'une jeune fille lors
d'une prestation le 10 avril 2018, avant d'utiliser un microphone pour faire un
mouvement semblant une pénétration dans le vagin de la fille.
Le lendemain, le sénateur Jean Renel
Senatus, président et vice-président des commissions justice et sécurité
publique ; des affaires sociales et des
droits de la famille du Sénat de la République, choqué, a écrit au ministre de
la justice et de la sécurité publique Heidi Fortuné pour lui demander de saisir
le commissaire du gouvernement de ce ressort afin de mettre l'action publique
en mouvement.
Dans sa correspondance, l'ancien
commissaire du gouvernement près du tribunal de première de Port-au-Prince
précise les fractions commises par Mechans-T, « Viol, excitation de la
jeunesse à la débauche, atteinte à la pudeur, atteinte aux bonnes mœurs, abus
de faiblesse d'autrui, etc... ».
De faite, le commissaire du gouvernement
près du tribunal de première instance de Miragoâne, Benjamin Kendy a émis un
mandat d'amener contre le nommé Mechans-T, conformément aux articles 281 et
suivants du code pénal haïtien.
Par le fait même que c'est un sénateur
qui se voit obliger d'écrire au ministre de la justice pour qu'il y ait des
poursuites judiciaires contre les actes attentatoires de jeune homme, est la
preuve que l'appareil judiciaire ne prend pas sa responsabilité au sein de la
société. Si non, le commissaire du gouvernement aurait mis l'action publique en
mouvement sans l’intervention du sénateur Senatus et des hauts placés du
ministère de la justice. Et, face à ce laxisme, aura-t-on à chaque action
tendant à dépraver la jeunesse, l’intervention d’un sénateur pour enjoindre les
autorités concernées de faire appliquer la loi ?
La controverse que suscite cette
décision qui vise l'application des lois de la République dans ce dossier,
montre qu’ils sont nombreux les citoyens qui ont marre des actions trompe-l'œil
des dirigeants. Surtout, quand le système laisse impunis les puissants qui
violent les lois tout en voulant appliquer ses mêmes lois avec la dernière
rigueur quand le contrevenant est un faible, un petit.
Il est urgent que la justice mette un
peu d'ordre dans le secteur musical qui contribue largement, particulièrement
ces dernières années, à la délinquance juvénile et infantile. Mais, il faut
d'abord cesser avec cette affaire de deux poids, deux mesures, si on veut
véritablement protéger la société.
Des puissants se foutent royalement de
nos lois, et tout passe comme une lettre à la poste.
Citons, à titre d'exemples :
1- L’ancien président Michel Martelly,
alias Sweet Micky est le roi de l’obscénité. Même étant président de la
République, il dénigrait publiquement des femmes. Au début de cette année, des
organisations de base, des citoyens et des autorités locales ont déclaré Sweet
Micky persona non gratta aux carnavals des Gonaïves et de Jacmel en vue de préserver
la pudeur de ces festivités populaires, des artistes de renom, dont les
sénateurs Gracia Delva et Jacques Sauveur Jean se sont solidarisés avec Sweet
Micky. Ils laissaient entendre que « Expulser Sweet Micky du carnaval
serait un coup pour la culture ».
2- Lors d’un jour gras des défilées
carnavalesques de 2016, l'artiste-sénateur Gracia Delva, député d'alors, a
exposé sur son char des jeunes filles presque nues, vêtues seulement de mini
jupes, par devant des centaines de milliers de spectateurs, téléspectateurs et
internautes.
3- Le disc jockey Tony Mix considéré, avec
ses propos grivois, comme le principal détourneur des enfants et des jeunes en
Haïti depuis quelques années.
4- La star du Compas, Gazman Couleur
se faisait sucer le téton par une femme lors d’une prestation. Les images ont
été largement circulées sur l’internet.
5- L'artiste Roody Roodeboy a publié
en 2016 la chanson Bòok pam, dans
laquelle il fait la promotion de la haine et de la violence. Dans le vidéoclip,
on voit des fillettes jouant du «roslè»
avec des projectiles. Les médias (radios et télévisions), de leur côté, ont
tourné la chanson en boucle, et à toutes les heures.
Sans vouloir défendre le tordu de
Mechans-T qui mérite effectivement de connaître les rigueurs de la loi, je me
demande est-ce que les actes des puissants susmentionnés ne sont-elles pas
aussi des infractions au regard des lois haïtiennes!
Alors, veut-on faire respecter la loi
ou les poursuites contre Mechans-T c’est juste un spectacle pour satisfaire un
électorat ? Ou encore, pour tromper la
vigilance d'une population qui réclame en vain, depuis trop longtemps,
l'application des sanctions prévues par la loi contre les contrevenants ? Ou
pour détourner l'attention de la population de certains grands dossiers de
l'actualité.
J'ai la certitude, si l'artiste
Mechans-T avait suffisamment d'influence pour caser quelques personnes dans l'administration
publique ou s'il était réussi économiquement et aurait eu l'habitude de
"gérer" des "maîtres à penser", des hommes en costume se
défileraient pour défendre son image et sa réputation. Ils brandiraient tout et
n'importe quoi, comme « La culture n'a pas frontière, c'est
contre-productif de tenter de l'en imposer. Les reproches faites contre Mechans-T
ne visent qu'à tuer le génie qui est en lui. Notre jeune star est un grand
ambassadeur de la culture haïtienne, etc ».
L'hypocrisie et l'inconsistance de
nombre de femmes et d'hommes de cette société ont atteint un niveau si élevé,
en les observant, on a quelquefois l'impression qu'ils ont perdu les repères,
eux aussi, manipulateurs de leur état.
Jéthro-Claudel
Pierre Jeanty
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