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mardi 21 novembre 2017

Le tombeau sacré des élus (2/2)

DEUXIÈME PARTIE

Au nom de Jovenel, on accroche la signature de Moïse comme on accroche Thomas à celui d’Haïti. Après avoir traversé la mer Rouge de nos turbulences électorales, Moïse sera-t-il capable de façonner le serpent d’airain pour la guérison du peuple haïtien après l’annonce de toutes ses années d’errances dans le but de donner une directive définitive au pays ? Dans Haïti Thomas ou l’autre face du Bondye bon, l’ethno-linguiste haïtien André Vilaire Chéry aborde l’énigme haïtienne dans une perspective sociolinguistique. On ose croire, on lance un défi politique personnel sans commune mesure. Par manque d’alternatives politiques, Jovenel Moïse est la figure de proue de la débrouillardise à l’haïtienne, le visage prophétique incarnant mieux le doux espoir des temps à venir. Dans les lamentations de Jérémie (chapitre 3 verset 22 à 24), l’espérance est présentée en ces mots : « Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, Ses compassions ne sont pas à leur terme ; Elles se renouvellent chaque matin. Oh, que ta fidélité est grande ! L’Eternel est mon partage, dit mon âme ; c’est pourquoi je veux espérer en lui ». Dans ses pérégrinations de plus de deux siècles d’histoire, le peuple haïtien attend incessamment en silence au front mécréant du nouveau-monde le grand moment de la relève nationale. Sachant bien que nous sommes aujourd’hui à la fin de l’histoire du monde : Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites ! Car le temps est proche (Apocalypse 1 verset 3). Dans les derniers jours, la notion de participation citoyenne est éclipsée au profit des valeurs universelles d’humanité, de responsabilité divine et d’auto satisfaction numérique. Tout devient marchandise : le sport, la langue, le citoyen, l’homme politique, la nature, le paysan, etc.


Le fardeau du paysan

De l’expression « Nèg bannann nan » au locataire du Palais national, le contenu de la responsabilité s’est changé tout en conservant sa charge sémantique et symbolique. Dans le débordement communicationnel de la campagne électorale, c’est l’alter ego « Nèg bannann nan » qui est devenu président. Nèg bannann nan, c’est le paysan, le « moun andeyò », l’ « agrikòl », l’exclu, l’homme humilié et banni de la société, le marginal, le rural. Mais, sa victoire dans ce monde odieux d’humiliation et de corvée peut-être assurée par la croyance si payante en un lendemain meilleur. De l’appel socio-cosmique, le paysan est un élu ayant pour mission d’indiquer la voie à suivre (Nèg bannann nan se chimen lavi miyò). La sociologie politique de l’espace rural haïtien nous montre comment le lieu politique de naissance ou l’origine sociale peut être utilisé à des fins politiques. Jovenel Moïse, né d’origine très modeste le 26 juin 1968 dans la commune de Trou du Nord est la concrétisation de la prière paysanne, la détente magique de l’homme noir en proie à la misère. Cette façon alchimique de combiner les hommes à la terre, aux rivières (l’eau), au soleil tient lieu de domination des autres phénomènes politiques surnaturels.

Le fardeau de l’homme blanc tient au fait qu’il a construit tout son capital économique, culturel et symbolique dans la colonisation, l’esclavagisme, l’exploitation féroce de l’autre, la chosification des rapports sociaux, la prétendue supériorité raciale, la fermeture de sa conscience au bien suprême. Le fardeau du paysan tient au fait de sa croyance en la fatalité du destin, du mépris de la science comme schème arrogant du Capital, de l’acceptation de l’oppression. Mais, le plus grand fardeau du paysan tient au fait que tout le monde veut échapper à ce statut contrairement au statut du blanc symbole d’une double aliénation.

Le nègre crucifié ou le damné rose du puzzle infernal

Dans la configuration de son mandat politique qu’il ne faut pas confondre avec son mandat historique, il a les mains liées de mener en bon danseur de tango une coalition d’acteurs hétéroclites dont l’ambition politique dépasse la part imaginable des choses réelles. Il est passé d’acculé à accusé et d’accusé à acculé.

Monument élevé pour consoler nos aïeux, Jovenel Moise est sacralisé par les élus locaux dans la hiérarchie inconsciente du pouvoir politique psychologiquement métamorphosé. Dans son for intérieur, il attendait venir le moment d’être consacré président et ne confiait cela à personne sauf à son moi dichotomiquement chaleureux et patient. Entrepreneur inachevé, politicien en sourdine catapulté dans les méandres de la vie politique pour battre en brèche l’ozone des aveux, il est cependant socialement enraciné à ses origines malgré toutes les réclamations jouissives des caméléons de la classe possédante. L’actuel président est une pierre tombale en chute libre écorchant les élites traditionnelles en perte de repères. Étant un acteur gardé sur les bancs de touche misant sur l’espoir, il regarde l’histoire comme forme eschatologique individuelle. Jovenel Moïse est l’homme d’un secret et des secrets qu’il peut encore garder au-delà du temps quelles que soient les circonstances et échéances. Son mandat présidentiel sera tourné en l’espace d’un cillement. Comme un Dieu, il retournerait comme il était venu. Pour l’homme de Trou-Du-Nord, l’avenir se résume à la hauteur des espérances muettes car il faut attendre en silence le secours de l’Eternel. Jovenel Moïse est plus apaisant, consolant que réaliste au goût des résultats matérialistes. Promoteur volontaire de changement, il aime tout le monde sans pouvoir répondre dignement au mal social. Revanchard, il n’aime pas son prédécesseur immédiat donneur de leçons dont la condescendance bouillonnante asphyxiait son leadership latent.


Méleck Jean Baptiste, Politologue Communicateur

Crédit: http://www.lenational.org/tombeau-sacre-elus-2/

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