vendredi 8 mai 2020

Haïti: Le "peyi andeyò", même au temps du covid-19

Lavage des mains | par Jethro-Claudel Pierre Jeanty / de Nord-Est Info
Pendant que le covid-19 est en train de  gagner du terrain en Haïti, les dirigeants de leur côté, confortablement assis dans leurs beaux bureaux dans la capitale de Port-au-Prince - bien qu'ils sont entourés de piles d'ordures -, n'arrivent pas à penser une société d'égalité.

Nos décideurs font tout leur possible pour maintenir les inégalités entre capitale et province. Ils continuent à montrer leur mépris pour les villes de province. Les villes étiquetées de "andeyò" par des petits prétentieux de la capitale qui se croient être plus évolués ou plus civilisés.

Dans l'espoir que les hauts placés du gouvernement se ressaisissent pour agir comme de véritables responsables, nous allons donner quelques exemples.

Allocation financière aux familles
Dans le souci d'apprécier les efforts de certains, nous commençons par ce cas dans lequel une faute a été corrigée au cours de route.

Pour permettre aux familles de répondre à leurs besoins, en cette période de crise sanitaire, le gouvernement avait annoncé une allocation de 3000 gourdes au profit d’un million de familles de la région métropolitaine et de 2000 gourdes au profit de 500 mile familles des villes de province. Suite au désaccord de certaines personnalités du pays, le gouvernement s'est ravisé pour donner la même somme de 3000 gourdes à toutes les familles bénéficiaires.

L'accueil des ressortissants
Au cours du mois d’avril, les Etats-Unis ont déporté, en deux occasions, un total de 191 ressortissants haïtiens via l'aéroport international Toussaint Louverture (à Port-au-Prince). Pour les recevoir, tout le gouvernement a été mobilisé. Même le premier ministre Jouthe Joseph a parlé du dossier.

Ces déportés ont été mis en quarantaine pour une durée de 14 jours. Etant sous le contrôle des autorités, ils subissaient des tests liés au covid-19.

Cette démarche a prouvé son importance dans la lutte contre la pandémie. Considérant que plusieurs des déportés sont testés positif au covid-19. Ce qui a permis au gouvernement de prendre des mesures pour limiter les dégâts.

D'un autre côté, ce même gouvernement accorde beaucoup moins d'importance aux milliers de ressortissants haïtiens (déportés et les cas de retour volontaire) venus de la République dominicaine et qui passent par des villes de province pour entrer dans le pays.

Les dirigeants s'en fichent, non seulement de la santé de ces compatriotes, mais aussi de la santé des habitants des localités où se rendent les compatriotes.

Prenons le cas de la frontière de Ouanaminthe, où plusieurs centaines de ressortissants arrivent chaque jour. Les autorités les enregistrent et prennent leur température. Dès que quelqu'un ne présente pas les signes et symptômes du covid-19, il entre direct chez lui. On ne le met pas quarantaine, en dépit que la période d'incubation peut aller jusqu'à 14 jours et il y a des personnes qui sont asymptomatiques.

Couvre-feu et autorisation pour les journalistes
Dans son arrêté en date du 19 mars 2020 sur l'état d'urgence sanitaire, le président de la République, Jovenel Moïse a décrété un couvre-feu à partir de 8 heures du soir sur tout l'étendu du territoire national. Un couvre-feu dont sont exemptés les journalistes qui détiennent une autorisation du Ministère de la Culture et de la Communication (MCC), dont le siège se trouve dans la capitale du pays.

Rappelons que, sauf en cas de guerre, aucune mesure restrictive ne peut être appliquée contre la presse, selon la constitution.

Mais, pour éviter de donner un prétexte aux "chasseurs de journalistes" qui se trouvent au sein des forces de l'ordre, nous avons accepté d'entrer dans la démarche et nous avons demandé à deux reprises à des responsables du ministère de la communication "Où est-ce qu'un journaliste du département du Nord-Est peut passer pour retirer son autorisation?". Cette démarche a été faite via un forum créé par des responsables du ministère pour soi-disant communiquer avec les journalistes de ce département. Plus d'un mois après, aucune réponse.

Au final, les responsables ont seulement pris des dispositions pour permettre aux journalistes de la capitale de se munir de cette fameuse autorisation. Mais, quant aux journalistes "andeyò" qu'ils se démêlent avec les agents des forces de l'ordre, malmenés par leur institution, dont certains d’entre eux cherchent toujours quelqu'un à tabasser pour passer leur frustration.

Dans le forum du MCC, les responsables se contentent seulement de partager des liens donnant accès à des interventions des membres du gouvernement ou d’autres acteurs de la capitale sur le covid-19.

C’est regrettable de constater que les dirigeants du pays ne voient les journalistes des villes de province que comme des caisses de résonance. Pour eux, cela ne vaut pas la peine que les journalistes "andeyò" puissent se rendre sur le terrain pour faire correctement leur travail.


Jéthro-Claudel Pierre Jeanty
jeantyjethro@gmail.com 


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