Le 7 mars 2020, certains ouvriers de la CODEVI avaient de masque de protection et d'autres n'en avaient pas. | Par Jéthro-Claudel Pierre Jeanty / de Nord-Est Info |
Suite à la confirmation des
deux premiers cas, le président de la République Jovenel Moïse a décrété l'état
d'urgence sanitaire. Depuis lors, les autorités se contentent de donner des
conférences de presse et de faire des annonces qui ne se concrétisent pas.
Pour renforcer le système sanitaire du pays, le
gouvernement a placé une commande d'un lot de matériels sanitaires et
hospitaliers pour un montant de plus de 18 millions de dollars, en provenance
de la Chine. Ce qu’a confirmé le premier ministre Jouthe Joseph en date du 28
mars dernier.
Les équipements devraient arriver dans le pays autour du
10 avril. Mais, deux semaines plus tard, ils ne le sont pas encore. De leur
côté, les autorités ne fournissent aucune explication à la population.
Rappelons que, de nombreux
médecins avaient exprimé leur intention de donner leur démission des centres
hospitaliers publics à cause de la faiblesse de ces structures pour affronter
le covid-19. Ceci, c'est dans le but de préserver leur vie. Toutefois, ils ne
sont pas encore arrivés là.
Jusqu'à ce 24 avril, il n’y
a aucun centre hospitalier dédié pour la prise en charge des malades du
covid-19 et très peu d'hôpitaux ont un espace réservé aux malades du covid-19.
Prenons le cas du Nord-Est où le directeur départemental du Ministère de la
Santé Publique et de la Population (MSPP), Jean Denis Pierre avait annoncé
depuis le 5 mars, l'aménagement d'un bâtiment dans la commune de Caracol ayant
la capacité de recevoir une vingtaine de patients. Cependant, jusqu'à fin avril,
les responsables sanitaires du Nord-Est continuent d'envoyer les cas positifs
au covid-19 à l'hôpital Sacré-Cœur de Milot (dans le département du Nord) et à
l'hôpital Universitaire de Mirebalais (dans le département du Centre).
Considérant leur faible
capacité d’accueil, les responsables de ces hôpitaux commencent à refuser les
malades au coronavirus venus du département du Nord-Est. Ils ne cessent d'exhorter
les responsables sanitaires de ce département à faire les préparations nécessaires
pour pouvoir prendre soin de leurs malades.
Au lieu de faire des mises
en place à travers tout le pays pour pouvoir soigner les malades, le
gouvernement se prépare de préférence à enterrer les habitants après les avoir
laissés crever par le covid-19. Sur ce point, le ministre des travaux publics,
Joacéus Nader a lâché le mot quand il a déclaré « Si les prévisions sont
justes, il y aura entre 1000 à 1500 morts par jour d’ici 15 mai, dans les zones
de forte densité de population ». Plus loin, le ministre Nader estime que
son institution est prêt pour enterrer les cadavres.
Prétendant vouloir faciliter
aux habitants de rester chez eux, conformément à la recommandation du
gouvernement, les autorités ont annoncé depuis le 27 mars dernier une allocation
de 3000 gourdes, soit 29,63 dollars américains (avec un taux du jour de 101,25 gourdes
pour 1 dollar) au profit 1 million de familles de la région métropolitaine et
de 2000 gourdes, soit 19,75 dollars américains au profit de 500 mille familles
des zones de province et des zones rurales. Près d'un mois après, personne n'a
reçu pas même un centime. Et, aucune explication de la part des autorités!
Autre élément à souligner
dans la liste des points cristallisant la mauvaise gestion de la crise. Le
gouvernement avait, d'un côté, promu la distribution des millions de masques de
protection à la population, et d'un autre côté, annoncé le port du masque de
protection qui sera obligatoire. Cependant, c’est plus d'une semaine après la
date annoncée pour démarrer avec les distributions que les autorités auraient
distribué 150 mille masques dans la région métropolitaine de Port-au-Prince.
Quant à la "campagne
de sensibilisation" du gouvernement pour amener la population à appliquer
les mesures barrières, c'est-à-dire, la pratique systématique des règles
d'hygiène, l'observation de la distanciation sociale, le port de cache-nez et 'évitement
tout déplacement inutile ; le résultat n'est pas satisfaisant.
C'est dans ce contexte de
manque flagrant de préparation et d'irresponsabilité manifeste de la part des dirigeants
que le premier ministre Jouthe Joseph avait annoncé la réouverture des
industries du textile pour le lundi 19 avril, sans avoir maîtriser la
propagation du covid-19, en prétextant la relance de l'économie.
Ce gouvernement nage dans
la contradiction. D'un côté, il autorise la réouverture des factories de la
sous-traitance qui vont réunir chacune plusieurs milliers de personnes dans un
seul endroit, sans s'assurer de prendre les mesures appropriées et d'un autre
côté, il prolonge jusqu'au 19 mai l'état d'urgence sanitaire. L'état d'urgence
sanitaire implique, entre autres, l'interdiction de tout rassemblement de plus
de 10 personnes.
Attardons un peu sur la
Compagnie de Développement Industriel (CODEVI) qui se trouve à la frontière de
Ouanaminthe, avec ses plus de 12 mille ouvriers.
Suite à l'annonce du
premier ministre Joseph, plusieurs milliers d'ouvriers se sont rendus à
l'entreprise pour reprendre du travail. Toutefois, les responsables de la
CODEVI les ont renvoyés. Seuls les 30% autorisés par le gouvernement seraient
appelés à la réintégration.
Soulignons que 3 fabriques
de la CODEVI avaient déjà réouvert leurs portes afin de confectionner
d'équipements médicaux, soit des blouses et des cache-nez, avec l'autorisation
gouvernement haïtien, environ une semaine après l'arrêté décrétant l'état
d'urgence sanitaire. Il faut aussi rappeler que 2 de ces 3 usines étaient
toujours destinées à la confection d'équipements médicaux pour des clients qui
se trouvent Etats-Unis d'Amérique.
Il ne vaut même pas la
peine de rappeler le risque de propagation à grande échelle du covid-19 avec la
réouverture des usines. Tout le monde connaît déjà la réponse.
Cependant, il faut se
demander, qu'est-ce-que Haïti va gagner en mettant cette épée de Damoclès sur
sa tête? Est-ce que ces équipements médicaux, voire même certains de ces
équipements médicaux, vont être utilisés pour renforcer le système sanitaire du
pays? Qu'est-ce qui aurait empêché au gouvernement haïtien de placer une
commande auprès de la CODEVI?
Malheureusement, les
"réponses" à ces questions ne sont pas rassurantes.
Interrogé par Nord-Est Info
en date du 7 avril 2020, l'administrateur de la CODEVI, Francoeur Joseph n'était
pas en mesure de préciser si le gouvernement haïtien a placé une commande
auprès de la compagnie, malgré notre insistance pour trouver une précision. Il
était plutôt dans le monde de la supposition.
Par contre, pour encourager
les ouvriers à accepter les risques, les responsables de cette compagnie les ont
affirmé que ces équipements sont destinés au personnel médical haïtien.
Rappelons que, depuis
toujours, les productions de la CODEVI sont destinées au marché nord américain,
spécialement les Etats-Unis d'Amérique. Puis, étant une compagnie de la
sous-traitance, elle produit sous commande des clients.
Face à la pandémie du
coronavirus, l’avenir d’Haïti est incertain. L'heure est grave et nécessite des
actions concrètes et responsables. Si les dirigeants veulent donner du
résultat, ils doivent cesser de jouer avec la vie des habitants et diriger ce
pays comme des patriotes, mais pas comme des profiteurs, des corrompus ou des
traîtres.
Pour faire face à cette
pandémie, il y a au moins 3 axes lesquels l'Etat haïtien doit agir. Primo, le
renforcement véritable du système sanitaire du pays. Secundo, l'éducation de la
population. Tertio, accompagnement social/sanction pour les réfractaires.
Jéthro-Claudel Pierre Jeanty
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