Je suis indigné de constater comment
l'existence de l'Homme haïtien est réduite à sa moindre importance et du même
coup transformée en quelque chose d'encombrant.
Pour tenter de s'affranchir de la
misère qui rend sa vie si peu reluisante, l'Haïtien doit faire preuve
d'imagination. Particulièrement les jeunes. Car, ils n'ont, pour la grande
majorité, ni emploi, ni épargne, ni assurance, ni assistance sociale.
Sur ce, je vous rapporte une scène
dont j'ai assistée et qui me hante depuis lors. Je pense que la meilleure façon
de me libérer de son emprise, c'est de la raconter aux lecteurs, dans l'espoir
d'avoir une réaction proportionnelle au danger qui guette l'avenir de la
République d'Haïti.
Il y a quelques semaines, je venais de
participer à une émission hebdomadaire de radio animée par un panel de
journalistes à Ouanaminthe. De retour à la maison, je me suis arrêté au cours
de route pour renflouer le compte de mon téléphone. Là, j'ai assisté à une
conversation entre 5 et 6 jeunes garçons qui se plaignent de leur misère et
vantent, du même coup, des solutions qu'on pourrait qualifier de désespérées.
L’un d’eux lance « Moi, je ne
vais pas voler. Mais, je ne critique pas quelqu’un qui vole. Parce que, dans ce
pays, face à cette misère, si quelqu’un ne se met pas à voler les affaires
d’autrui c’est parce qu’il a un bon moral ».
Puis, un autre s’enchaîne « Si on
poursuit un voleur, et je me trouve sur le chemin de ce dernier, je tournerai
mon regard ailleurs afin de lui laisser prendre la fuite ».
Dans ce climat de franchise et de
cynisme, ces jeunes se bousculent pour passer aux aveux. Pendant qu’un
troisième tente d’émettre son opinion sur le premier sujet, un quatrième lui ôte
la parole pour aborder un autre sujet qu’on pourrait titrer « Fuir Haïti à
tout prix! ».
Là, vous supposeriez qu’il s’agit de
se rendre au Brésil ou au Chili, comme c’est très courant ces dernières années.
Pour s’y rendre, il faut avoir plusieurs milliers dollars américains. Ces voyages coûtent beaucoup
trop d’argent pou ces jeunes.
Le jeune garçon s’imagine aux Etats-Unis
d’Amérique, la première puissance mondiale.
Oui, aux Etats-Unis d’Amérique. Pas
sur les plages de Miami. Mais, dans une prison de préférence!
Aussi bizarre que puisse être cette
idée, ce jeune trouve de quoi «se justifier». Le pire, c’est que ses camarades
sont de même avis que lui.
« Quand vous êtes en prison aux
Etats-Unis, on vous donne à manger plusieurs fois par jour et vous avez accès à
un téléviseur et des salles de sport », raconte-t-il, tout en soulignant « En Haïti, même étant libre on ne peut pas se nourrir ».
A entendre ses jeunes, il est
raisonnable de dire qu’«Haïti est foutue». Toutefois, il y a de l'espoir, dans
la mesure où les classes dirigeantes du pays se rendent compte de la précarité
dans laquelle vivent les habitants, de la fragilité du pays et agissent afin de
mettre Haïti sur les rails du développement ou les jeunes qui subissent de plein
fouet les effets de cette situation de misère dont connaît le pays, s'engagent
et agissent afin de changer les donnes.
Jéthro-Claudel Pierre Jeanty
Aucun commentaire:
Publier un commentaire