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dimanche 14 mai 2017

Comprendre le jeu du gouvernement dans la hausse du prix de l'essence



Un motocycliste faisant le plein dans une station d'essence à Ouanaminthe, le 13 mai 2017 | par Jéthro-Claudel Pierre Jeanty / de Nord-Est Info 
Depuis plus d'une semaine, en Haïti, l'actualité est dominée par l'annonce du gouvernement sur l’augmentation du prix de l'essence à la pompe. Les produits pétroliers étant subventionnés à la pompe, l'Etat ne serait plus en mesure de supporter cette charge. Une mesure que les hauts fonctionnaires du gouvernement, dont le premier ministre Jack Guy Lafontant, tentent d'expliquer le bien fondé, en avançant:


1- Haïti perd plus de 7 milliards de gourdes chaque année en subventionnant les produits pétroliers.
2- La subvention des produits pétroliers sur le marché haïtien profite beaucoup plus à ceux qui ont les moyens économiques pour payer normalement qu’aux masses populaires, contrairement à ce qu’on a souvent laissé entendre.
3- Le prix, tel qu’il est, crée une grande inefficacité et le différentiel est très important par rapport à nos voisins dominicains. Haïti subventionne à 30% le consommateur qui est de l’autre côté de la frontière. Il faut mettre les prix les plus proches possibles pour éviter ce fait.
4- selon la loi, à chaque hausse ou baisse de 5% du prix de l'essence sur le marché international le prix doit être ajusté sur le marché local. Et, la hausse atteigne déjà la barre de 5%.

Les autorités font écho de ces arguments, sans souligner qu'Haïti achète les hydrocarbures dans le cadre de Petrocaribe à meilleur prix que celui du marché international.

Pour comprendre ce qui se passe, il faut surtout s'intéresser à la vue d'ensemble, pas aux détails!

Dans la foulée,  les avis se défilent. Et, chacun s'abonde en fonction de sa compréhension et de ses intérêts.

Pour l'expert en économie, Kesner Pharel du Groupe Croissance c'est une nécessité, considérant les faibles recettes collectées par l'Etat. Pour certains politiciens opposants au gouvernement, c'est un scandale. L'ancien sénateur Moïse Jean-Charles entend entreprendre des actions en vue de combattre la décision. De leur côté, des syndicalistes du transport en commun, des membres de la population se montrent déterminer pour faire échec à cette éventuelle mesure. Selon ces derniers une telle augmentation ne ferait qu'enfoncer la population dans la misère.

Actuellement, le gallon de la gazoline coûte 189 gourdes, celui du diesel est 149 gourdes et le kérosène est de 148 gourdes.

Dans un premier temps le gouvernement a prévu une augmentation de 116 gourdes sur la gazoline (pour le faire passer à 305 gourdes), 88 gourdes sur le diesel (pour le faire passer à 237 gourdes) et 84 gourdes sur le kérosène (pour le faire passe à 232 gourdes), avant de revoir sa proposition légèrement à la baisse en proposant, 90 gourdes pour l'essence (gazoline), 80 gourdes pour le diesel (gasoil) et 75 gourdes pour le kérosène, suite aux discussions tenues mardi 09 mai 2017.

De leur côté, les associations syndicales, ont proposé une augmentation de 20 gourdes sur la gazoline, 15 gourdes sur le diesel et 15 gourdes sur le kérosène, selon ce qu’a fait savoir le syndicaliste Duclos Bénissoit. Une proposition que les représentants du gouvernement ont rejetée d'un revers de main.

Les Ministères de l’Economie et des Finance, du Commerce et de l’Industrie tranchent avec un avis en date du 14 mai, en informant qu’à partir 15 mai 2017, les prix en vigueur sur territoire national sont de 224 gourdes pour la gazoline, soit une augmentation de 35 gourdes, 179 gourdes pour le gasoil, soit une augmentation de 30 gourdes et 173 gourdes pour le kérosène, soit une augmentation de 25 gourdes.

Toutefois, ils seraient peu, ceux qui comprennent que le gouvernement a gagné la bataille.

Oui, le gouvernement a gagné !

Il ne faut pas s’attarder sur les différences entre 116 et 35 gourdes, 88 et 30 gourdes, et 84 et 25 gourdes.

Le plus important, dans tout ça, c'est qu’une bonne partie de la population et les plus redoutés (les  syndicalistes) ont accepté le principe de la hausse du prix et ces derniers étaient présents dans les négociations.

Dès la première proposition des syndicats, les stratèges du gouvernement Moïse-Lafontant devraient dire entre eux, à voix basse, bien entendu, « Nous sommes près du but ». Car, il serait absurde que les autorités auraient espéré que cette population qui patauge dans la misère la plus abjecte accepterait de payer 90 gourdes en plus sur chaque gallon de gazoline, voire 116 gourdes.

Oui, le gouvernement a remporté une grande victoire. Car, si la proposition des syndicats venait du gouvernement, elle connaîtrait le même rejet que connaît celle avec 116 gourdes.

Considérant la précarité dans laquelle vit la population et la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché qui fera suite à celle de l'essence, sans l'annonce de programmes sociaux et de grands projets de développement, le président Jovenel Moïse, le premier ministre Jack Guy Lafontant, les ministres concernés et leurs conseillers donneraient crédit à ceux qui pensent que ce gouvernement est un gouvernement anti-peuple.

Conscient de ces enjeux, le gouvernement a d'abord fait une large publicité sur l'état lamentable de la finance du pays et le projet d'infrastructure agricole Caravane Changement. Et, cette campagne a bien aidé à contrôler les nerfs tout en sapant le projet des opposants souhaitant saisir l’occasion pour déclencher une série de mouvements contre le gouvernement, en dépit que cette hausse dépasse celle du dernier gouvernement.

Le dernier gouvernement a dû reculer face aux pressions populaires suite à une augmentation de l’ordre de 30 gourdes sur la gazoline, 30 gourdes sur le diesel et 25 gourdes sur le  kérosène, en août 2016.

Les syndicats avaient refusé des hausses supérieures à 16 gourdes sur la gazoline et le diesel et 12 gourdes sur le kérosène.

Le Sénat, de son côté, au moyen d'une résolution, a enjoint au gouvernement du président Jocelerme Privert et du premier ministre Enex Jean-Charles de revenir instantanément sur sa décision. Moins d'une semaine après l'augmentation des prix en date du 21 août 2016, le gouvernement a fait le retrait de la décision « Dans la crainte d'explosion sociale », laissaient entendre les autorités.


Jéthro-Claudel Pierre Jeanty

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